La vie secrète des héros de Léon
Grégoire Guillemin, alias Léon, est directeur de création en agence et cultive une certaine nostalgie des icônes de son enfance. Science-fiction, BD et jeux vidéos sont ses thèmes de prédilection, il utilise les outils numériques pour digitaliser ses sujets qu’il vectorise, pixelise ou minimalise. Un processus qui le place en premier plan sur la scène du “Geek Art”, il se présente lui-même comme un “eclectic graphical gamer”. Il a le modjo depuis quelques années, chacune de ses séries connait un succès grandissant sur le web, c’est la galerie idéale pour la recette qu’il propose : généralement un héros issu de la culture populaire combiné à un traitement graphique homogène où prime la forme. Ainsi “Exercice de style” fait référence aux affiches célèbres des années 30, “Famous capsule” transforme des personnages de fictions et des personnalités en pictogrammes. Mais c’est avec “Pop Icons” et une trame à la Roy Lichtenstein qu’il synthétise portrait et minimalisme pour placer une ambiance efficace, raconter une histoire avec trois fois rien. Le fond et la forme avec un brin d’humour et des références universelles, la formule est bonne.
Dès 2013, il revient en galerie avec une série qui répond à l’ultime question que tout le monde se pose : “Que font les super-héros dans l’intimité ?”. Portée par une fan base internationale grâce à sa présence sur le web, la collection “Secret Life of Heroes” va se décliner, s’exporter et se diversifier au fil des années. Les premières toiles étaient essentiellement centrées sur les classiques Disney et Marvel, cibles idéales pour blasphèmes entre geeks. Des originaux à l’acrylique sur toiles tramées et des sérigraphies numérotées sur lesquelles on a vu Wonder woman se gratter les fesses ou se rembourrer le décolleté, Blanche neige en pause clope, Superman dévore un burger ou se cure le nez, mais ma préférence va à Catwoman, passant d’un verre de lait, à une sucette, puis un jolie petit canard. Toutes ont en commun une trame (préalablement sérigraphiée) pour habiller la peau, en référence à Lichtenstein qui utilisait lui aussi les outils de production industriels disponibles à son époque. Mais également au Pop-Art dans son ensemble, jusqu’à Warhol et ses sujets iconographiques. Autant d’ingrédients qui ont assuré un succès à cette collection, puisqu’elle aura tournée depuis dans une vingtaine de galeries à travers l’Europe et les Etats-Unis.
Fraîchement rapatriée de Miami, la série s’est agrandit, elle est exposé jusque fin mars à la Galerie Lacroix où nous sommes allés voir la suite de cette épopée. De nouveaux personnages ont fait leur apparition, autres situations, autres addictions, on retrouve la clope ou la sucette en accessoire redondant et on s’enfonce encore plus dans ce voyeurisme ludique qui rend ces héros si sympathiques. On apprend ainsi qu’ils font eux aussi parti de la société de consommation, témoins de leur temps, des produits et des logos sont venus agrémenter la série qui s’avoue résolument politiquement incorrecte. Et on aime ça, on aime voir Alice loucher de surprise devant la taille de sa bulle de chewing-gum, le surfer d’argent se préparer une séance de lustrage comme un touriste avec de la crème sur la plage, Superman fêter une victoire sous les cotillons, Monsieur Propre se tacher avant d’entamer son burger. Des situations cocasses et un traitement graphique irréprochable, la qualité et la variété de cette série ont de quoi impressionner, Greg n’a pas chômé ces dernières années. Ses œuvres se déclinent sur petits, moyens et grands formats, mais aussi, outre les peintures, en lithographie, digigraphie et impression sur plaque métallique ou sur toile. Toutes sont archivées dans un grand livre souple “For your eyes only” édité et numéroté par l’artiste. Le futur est éventuellement suggéré par un volume, une impression 3D de la toile “Happy” représentant Pharell et Droopy assis sur son chapeau, une superbe pièce qui donne envie de voir tous ces personnages prendre vie.
Stay in the secret mood !!
